GAGNANT NOUVELLE

Le jury a trouvé ce texte bien écrit et immersif. Un effort a été remarqué pour décrire la scène de combat, un exercice difficile que l’auteur a su retranscrire avec ses mots, chapeau !

NOUVEAU DEPART

« Alors c’est ainsi que ça doit se finir ? Un paria ! C’est tout ce que je suis à leurs yeux, à ses yeux… »

Ssisslk, le regard fixe, transperce l’eau dessinant un sillon derrière lui. Au loin retentisse encore les sirènes de la ville. La panique est encore à son paroxysme et les habitants demeurent toujours sous le choc à l’annonce de la princesse Siaraka. Comment un soldat d’élite, reconnu de tous par sa loyauté et son engagement auprès des siens, a-t-il pu trahir son roi et tuer celui qui était destiné à devenir son beau-père ? Siaraka, aux yeux noirs brillant par ses larmes, tente en vain de lui trouver une excuse et atténuer sa haine. Il est vrai que son père, Akram dit le roi juste, agissait étrangement ces derniers temps, mais de là à l’éliminer de sang-froid, sur son trône, était impardonnable. Tandis qu’un premier escadron pourchasse l’assassin, Siaraka donne ses derniers ordres pour l’organisation du château et le rétablissement de l’ordre dans la cité.

Puis, à son tour, elle se met à le pourchasser…

Ssisslk, assis au sommet d’une roche, regarde ses mains. Celles qui ont pris le dernier souffle de son roi. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Il a fait le serment de protéger les siens coûte que coûte.

De toute la garde du royaume, mais également de la famille royale, personne n’avait remarqué le mal qui avait frappé leur roi. La marque de Súrtr était posée sur son torse : quatre points noirs formant un losange autour du cœur d’Akram. Les Ténèbres se sont établies en mer de Thalass, au sein d’un royaume pacifiste et reculé, plus de cent cinquante ans après l’épidémie de rage folle qui mena les Atlantes en guerre contre les créatures terrestre de l’Ile-Continent.

Ssisslk lève la tête. L’escadron est là, tous dressés devant lui. Ssisslk se met debout, ferme les yeux et prend une grande inspiration. Le commandant Törkà s’avance.

« Tu n’iras pas plus loin, nous sommes ici pour te ramener à la Cité où tu seras jugé pour ton crime.

_ J’ai agi pour le bien de notre peuple, notre roi, aussi bon qu’il fut aimé, était marqué par le sceau du Mal

_ Cesse tes récriminations Ssisslk. Ta soif de pouvoir t’aveugle et te pousse dans une paranoïa digne de ces vauriens de pêcheurs. Nous te ramènerons et tant pis s’il ne restera que ta carcasse à juger. Compagnons avec moi ! »

Les soldats sortent leur glaive. Les regards se croisent. Törkà bouillit de cet affrontement, lui qui a toujours vécu dans l’ombre de Ssisslk. Il tient maintenant son jour de gloire, neutraliser l’assassin du roi et l’atlante qu’il a toujours voulu voir échoué.

« Törkà arrête !

_ Il fallait réfléchir avant régicide. En avant ! »

Deux soldats bondissent sur Ssisslk dès le cri de leur commandant. Ssisslk, dans un premier temps, esquive chaque coup porté à son encontre. Il ne fait que bloquer et reculer. Il n’a d’ailleurs pas sorti son arme, espérant leur montrer sa volonté de ne pas se battre. Un troisième atlante les rejoint pour tenter d’attraper le paria. Ssisslk n’a plus le choix, s’il veut s’échapper à ce combat, le sang devra couler.

D’un revers de sa main gauche, Ssisslk mis ko un soldat. Il s’arme de son glaive et continue de parer chaque offensive des deux autres atlantes. De sa main droite, Ssisslk crée un tourbillon aquatique qui transporte les deux assaillants au-delà des coraux. Il ne reste que Törkà et ses deux adjoints. Voyant la simplicité de Ssisslk au combat, les deux troufions baissent légèrement leur arme.

« Je vous le redit, je ne veux pas vous blesser, de grâce, dégagez ! »

Törkà se retourne vers ses adjoints.

« Bordel vous attendez quoi ? allez-vous battre, c’est un ordre ! »

Les deux atlantes se recroquevillent et esquissent un faux départ en direction de Ssisslk. Le paria écarte ses membres, la tête levée. Des bulles entourent le guerrier et un halo de lumière venant de la surface l’éclairci.

« Retournez à la Cité, dites au doyen que j’ai tué le Mal dans l’œuf. L’Oracle reprendra son chant et notre peuple perdurera. J’accepte mon châtiment, je disparaitrai des abymes des Thalass ».

Les deux atlantes rengainent et fuient en direction de la Cité.

« Retournez au combat bande d’incapables ! Aaaaaaaaaarrrrhhhhhhhgt ! »

Törkà se retourne vers Ssisslk. Il ouvre sa main gauche. De l’eau tourbillonne puis une flamme bleue apparait en son centre.

Siaraka découvre un membre de l’escadron allongé au sol. Il est immobile mais respire encore. Siaraka ressent des vibrations. Une lumière l’aveugle mais elle n’a aucun doute, elle reconnait l’aura de Ssisslk. S’appuyant sur ses jambes, elle bondit vers la lueur. Elle croise les deux déserteurs qui poursuivent leur retour en répétant en boucle « L’Oracle reprendra son chant… L’Oracle reprendra son chant ». Siaraka s’arrête nette.

Le doyen de la Citadelle ferme son livre et regarde les enfants.

« L’Oracle chantonne, les Forces s’équilibrent,

Lorsque le silence résonne, le Mal est libre. »

Un enfant se lève. Le doyen lui sourit.

« Oui je t’écoute ?

_ Comment savoir si l’Oracle arrête de chanter. Je n’entends aucune chanson !

_ Ma petite Siaraka, le chant de l’Oracle se ressent à travers le monde qui nous entoure, à la foi que nous avons en chaque être vivant, à la prospérité d’un peuple. Regarde tout ce métissage de couleurs, ces poissons qui nous entoure, c’est ça le chant de l’Oracle. »

Le tourbillon dans la paume de Törkà se fait peu à peu dévorer par la flamme. Le cercle au contour bien lisse se transforme en un disque denté. Le halo éclairant Ssisslk s’estompe. Les deux atlantes, immobiles, se scrutent. Le silence assourdissant des profondeurs de Thalass disparait dans un sifflement aigu. Törkà dégaine en premier et balance son disque en direction de Ssisslk. Le paria esquive de justesse le disque fendant tout sur son passage avant de se dissoudre. Bien qu’il ait évité la coupure, Ssisslk ressent une forte brulure à sa taille. La proximité du disque l’aura malgré tout blessé. Ssisslk bondit sur Törkà et lui livre coup sur coup. Le commandant ne pouvant tout parer en reçoit pour son grade et lui rend de moitié les coups affligés. Les deux anciens frères d’armes se neutralisent et aucun ne parvient réellement à prendre le dessus sur l’autre. Törkà se retire, rengaine son arme et colle ses deux paumes afin de former un disque deux fois plus grand que le premier. Ssisslk se concentre, le courant derrière lui s’intensifie. Le disque dépasse largement l’envergure de Törkà, un véritable typhon est dorénavant formé derrière le paria qui procède à déclencher la tempête…

« Ssisslk !!! »

Ssisslk se tourne sur sa gauche. Siaraka est là, totalement décontenancée. Törkà profite de cette ouverture et se projette sur Ssisslk.

Le sang se propage de tout côté, les yeux noirs de Ssisslk se ferment, Törkà s’impose de tout son poids sur la lame. Ssisslk rouvre ses yeux et voit ceux de Törkà s’éclaircir.

« Tu ne dois pas mourir, notre peuple a besoin de toi. »

Ssisslk retire son glaive de l’abdomen de son rival. L’énorme carcasse de TÖrkà s’enfonce au sol. Ssisslk baisse son regard face à sa bien-aimée.

« Panse ses plaies, il doit survivre, je dois m’enfuir.

_ Pourquoi ? Pourquoi as-tu trahi ton roi ? Et l’Oracle ? Quand a-t-elle cessée de chanter ?

_ Tu n’as rien remarqué ? La pêche a baissé, la faune s’est éloignée de nous. Notre roi, ton père n’agissait plus comme avant, n’agissait plus pour notre peuple. Il rêvait de conquête, de massacre de pêcheurs, d’exploration interdite des profondeurs de Thalass. Son cœur s’est assombrit, tu as juste à regarder sur sa poitrine, la marque de Súrtr, comme dans le livre du doyen.

_ Si tu dis vrai, je pourrai te pardonner, nous pourrons tous te pardonner.

_ Non, personne d’autres doit savoir, le peuple a besoin de suivre un idéal et d’une Cité insubmersible. J’assume mon statut de traitre car c’est ainsi que notre peuple prospèrera. »

Une masse de poissons apparait dans le dos de Ssisslk. Ils nagent parmi les deux atlantes qui se tiennent face à face et se dirigent vers la Cité. Ssisslk pose sa main sur la joue de Siaraka en lui essuyant ses larmes.

« Vois l’Oracle reprendre son chant. Ranime Törkà et sois heureuse Siaraka, perle de Thalass. _ Adieu, Ssisslk, intrépide éphèbe. »

Siaraka s’approche de Törkà et commence à soigner sa grave blessure. Un souffle revient. Siaraka se retourne.

« Une dernière chose… »

Ssisslk est parti.

La mer s’assombrit alors que le ciel rougit. Ssisslk est assis, pansant ses plaies en fixant l’horizon. Un homme s’approche de lui.

« Cher ami, vous avez l’air bien loin de chez vous. »

Ssisslk lève sa tête et le regarde.

« En effet, je ne sais pas encore où je vais, mais je ne me trompe jamais de direction.

_ Parfait, j’ai mon navire qui est accosté, que diriez-vous de me rejoindre et me guider vers ma prochaine destination ?

_ Pourquoi pas, sur quel navire dois-je me rendre ?

_ La Veuve Noire. »